Hadès, Argentine by Loedel Daniel

Hadès, Argentine by Loedel Daniel

Auteur:Loedel, Daniel [Loedel, Daniel]
La langue: fra
Format: epub
Tags: roman
ISBN: 9782413034520
Éditeur: La Croisée
Publié: 2021-08-24T22:00:00+00:00


*

Je ne pouvais pas faire grand-chose. D’autant que j’avais peur qu’on m’attrape en train de faire quoi que ce soit, en dehors des tâches qu’on m’avait confiées, qui ne fût pas vicieux ou cruel. Même après avoir découvert que d’autres gardiens le faisaient quelquefois, leur donnant des snacks et d’autres petites « douceurs », mon appréhension persista, car je ne compensais pas, comme eux, les attentions de ce genre dans la salle de torture. Et je ne pouvais pas non plus compter absolument sur les prisonniers pour garder secrète toute gentillesse de ma part ; ils pouvaient se retourner les uns contre les autres avec une rapidité stupéfiante – certains devenaient même des « marqueurs », participant à des enlèvements en échange d’un meilleur traitement. Si bien que j’avais trop peur pour leur apporter quoi que ce soit d’autre que leur ration de nourriture standard. Trop peur pour desserrer ou enlever brièvement leur bandeau. Trop peur pour donner des tampons aux femmes, car on les découvrirait forcément. Je ne pouvais même pas leur offrir les infimes caresses que j’avais vu certains prisonniers admirables d’humanité se donner discrètement entre eux dans leur cellule commune ou quand on les forçait, les jours où Rubio était particulièrement fainéant, à se torturer les uns les autres, faisant d’une pierre deux coups.

Tout ce qu’il me semblait pouvoir faire, c’était tirer parti du fantasme tordu du Curé d’élever cet endroit au degré de propreté d’un hôpital, et nettoyer. Nettoyer les douches et les toilettes. Nettoyer les ustensiles avec lesquels les prisonniers mangeaient. Nettoyer leurs vêtements de temps en temps et les faire sécher sur le balcon. (Plus souvent, je nettoyais et faisais sécher les serviettes dont les hommes se servaient pour éponger leur sueur – tout ce qui pouvait me servir d’excuse pour prendre cette bouffée d’air frais dont j’avais tant besoin. C’était l’un des seuls endroits solitaires d’Automotores car le Curé, dans son délire incohérent, lui qui pouvait supporter l’odeur de pourriture des prisonniers mais pas celle des cigarettes, interdisait aux hommes de fumer, même sur ce balcon.) Nettoyer le garage. Nettoyer la cuisine. Nettoyer le sang par terre pour que les hommes ne salissent pas leurs chaussures et que les prisonniers ne marchent pas dedans pieds nus. (Même quand on ne les battait pas, il leur arrivait souvent de saigner à cause des lacérations que les liens infligeaient à leurs membres.) Nettoyer l’aile des gardiens. Ne pas nettoyer les cellules des prisonniers, mais nettoyer leurs plaies pour éviter l’infection. (Cela, au moins, faisait partie de mon boulot – les maintenir en vie.)

Avantage imprévu de ces efforts : j’avais désormais la réputation de travailler dur. Ce qui ne plaisait pas à tous les hommes – « Pourquoi tu fais de la lèche comme ça ? », me demandait Rubio quand je restais plus tard pour faire la vaisselle. « T’auras pas de prix d’excellence ici, Azul. » Mais le plus important, c’étaient ceux à qui cela plaisait. Le Curé roucoulait de fierté en me voyant



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.